| | Une oraison de foi... | |
| | Auteur | Message |
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Vaudois
Nombre de messages : 272 Âge : 23 ans Date d'inscription : 24/06/2006
| Sujet: Une oraison de foi... Jeu 20 Juil 2006 - 16:08 | |
| Vaudois s'était d'abord laissé serrer dans les bras d'Aramis sans réagir. Le mousquetaire fut bouleversé par les tremblements qu'il sentait parcourir cet être, devenu, l'espace d'un instant un corps si frêle, si fragile... Mais lentement, les mains de Vaudois avaient enfin osé se poser sur le pourpoint d'Aramis, et il avait répondu à son étreinte... Avec force.. Averc rage...
Avec desepoir...
Comme un enfant qui, sentant qu'il va se noyer, s'accroche avec toute la puissance du désespoir à la main qui se tend vers lui.
Leur étreinte muette dura un long moment, sous la lune blafarde, au milieu du silence ému des seuls témoins de cette scène.
Derrière eux, dans l'encadrement de la porte, se détachant sur le fond lumineux, l'ombre de la duchesse apparut en contre-jour...
Aramis déserra son étreinte pour s'élancer au devant de sa maîtresse, dans un élan de joie et d'amour.
Privé de son appui, Vaudois chancela. D'un regard éteint, il fouilla les ténèbres autour de lui, l'esprit vide. Tout sentiment semblait avoir été refoulé au fond de son coeur et sans qu'il réalisât ce qu'il se passait autour de lui et au fond de son âme, ses yeux se posèrent sur l'ombre d'un corps sans vie. Un frisson parcourut son corps. D'un pas hésitant, il s'approcha en chancelant du corps étendu dans l'ombre, et étendit une main tremblante...
Elie...
Vaudois, que seul soutenait son état de tension extrème, tomba à genoux devant le corps de cet être qu'il avait tant aimé... Son compagnon, l'une des rares personnes à l'avoir accueilli sans question,sans un mot... Son frère...
Serrant convulsivement le corps sans vie contre lui, Vaudois sentit un sanglot lui briser la poitrine. | |
| | | Aramis Admin
Nombre de messages : 658 Localisation : Paris Rang : Mousquetaire du Roy Âge : 24 ans Date d'inscription : 11/06/2006
| Sujet: Re: Une oraison de foi... Jeu 20 Juil 2006 - 16:56 | |
| (HJ: Rah! J'ai une raison de plus de me sentir coupable!!!!)
Aramis se retourna brusquement. Un sanglot s'était fait entendre derrière lui... Il se retourna... et le coeur lui naufragea.
Délaissant là l'étreinte de sa maîtresse, Aramis, sombre à nouveau, fit signe à ses amis de venir l'aider. Lentement, ils alignèrent les corps de ces hommes, ces compagnons de foi de Vaudois... Ils terminèrent avec Eli, que Vaudois tenait toujours contre lui. Aramis desserra péniblement cette déchirante étreinte. Vaudois se laissa faire, secoué de sanglots silencieux.
Aramis ouvrit son pourpoint et, à la surprise générale, en sortit un petit livre relié de cuir noir. Ce n'était pas son habituel livre d'heure, ni son missel... Vaudois ouvrit de grands yeux humides, reconnaissant une croix particulière sur la tranche...
Pendant qu'on déplaçait le corps du dernier mort près des autres, Aramis prit le bras de Vaudois et prit place devant tous les hommes alignés. Il ferma les yeux un instant, semblant réfléchir. Puis il ouvrit le livre à un endroit précis et commença de lire...
- O Dieu! prête l'oreille à ma prière, Et ne te dérobe pas à mes supplications! Écoute-moi, et réponds-moi! J'erre çà et là dans mon chagrin et je m'agite. A cause de la voix de l'ennemi et de l'oppression du méchant; Car ils font tomber sur moi le malheur, Et me poursuivent avec colère. Mon coeur tremble au dedans de moi, Et les terreurs de la mort me surprennent; La crainte et l'épouvante m'assaillent, Et le frisson m'enveloppe. Je dis: Oh! si j'avais les ailes de la colombe, Je m'envolerais, et je trouverais le repos; Voici, je fuirais bien loin, J'irais séjourner au désert...
À ces dernières phrases, sa voix trembla légèrement, tandis qu'il fixait son regard sur son compagnon. Néanmoins, il continuant, mettant sa main sur l'épaule du protestant qui écoutait, silencieux.
- Je m'échapperais en toute hâte, Plus rapide que le vent impétueux, que la tempête. Réduis à néant, Seigneur, divise leurs langues! Car je vois dans la ville la violence et les querelles; Elles en font jour et nuit le tour sur les murs; L'iniquité et la malice sont dans son sein; La méchanceté est au milieu d'elle, Et la fraude et la tromperie ne quittent point ses places. Ce n'est pas un ennemi qui m'outrage, je le supporterais; Ce n'est pas mon adversaire qui s'élève contre moi, Je me cacherais devant lui. C'est toi, que j'estimais mon égal, Toi, mon confident et mon ami! Ensemble nous vivions dans une douce intimité, Nous allions avec la foule à la maison de Dieu!
L'expression d'Aramis se faisait presque virulente à ces mots... Il se les adressait à lui-même...
- Que la mort les surprenne, qu'ils descendent vivants au séjour des morts! Car la méchanceté est dans leur demeure, au milieu d'eux. Et moi, je crie à Dieu, et l'éternel me sauvera. Le soir, le matin, et à midi, je soupire et je gémis, et il entendra ma voix. Il me délivrera de leur approche et me rendra la paix, car ils sont nombreux contre moi. Dieu entendra, et il les humiliera, Lui qui de toute éternité est assis sur son trône;
Car il n'y a point en eux de changement, et ils ne craignent point Dieu. Il porte la main sur ceux qui étaient en paix avec lui, il viole son alliance; Sa bouche est plus douce que la crème, mais la guerre est dans son coeur; Ses paroles sont plus onctueuses que l'huile, mais ce sont des épées nues. Remets ton sort à l'éternel, et il te soutiendra, il ne laissera jamais chanceler le juste. Et toi, ô Dieu! Tu les feras descendre au fond de la fosse; Les hommes de sang et de fraude n'atteindront pas la moitié de leurs jours. C'est en toi que je me confie…
Lorsqu'il eut terminé, il referma le livre, baissant les yeux, regardant chacun des hommes étendus, gisants, sur le sol meuble et sombre. Puis, lentement, sa voix grave s'éleva en un chant, et Vaudois, d'abord profondément ému, s'y joignit aussi.
- A l'heure où se repose Bête, homme, toute chose En ville, aux bois, aux champs, Allons, mon âme entonne Au Dieu qui crée, qui donne, Dans le soir un paisible chant.
Soleil, que vas-tu faire: La nuit, ton adversaire, Obscurcit ta lueur ? Qu'importe, une lumière, Toujours belle et entière, Jésus, luit au soir en mon cœur.
Le jour revêt son voile, Fait place à chaque étoile Qui brille au ciel voûté. Telle est là-haut ma gloire, Quand, quittant l'illusoire, J'entrerai dans l'éternité.
Mon corps lassé désire De dormir, se retire Et quitte ses habits. Au jour de la victoire, Je m'habillerai de gloire : Jésus, mon Seigneur, l'a promis.
Mes pieds, mes mains, ma tête, En paix, leur tâche faite, Laissent là leurs travaux. Mon cœur, sois sans tristesse, Il vient un jour où cessent, Les soucis, les ennuis, les maux.
Maintenant je fais prendre Le repos, sans attendre, A mes membres lassés. Un jour sonnera l'heure De changer de demeure : Au tombeau ils seront placés.
Le sommeil me terrasse, Il m'abat, il efface La lumière à mes yeux. Dieu, prends soin de mon âme, Quand la mort me réclame Du fond de l'ombre, en ces bas-lieux.
Et si le démon tente De renverser ma tente, Viens, Christ, et me défends ; Etends sur moi ton aile, Jésus, gardien fidèle, Protège et couvre ton enfant ! | |
| | | Athos Admin
Nombre de messages : 629 Localisation : Dans sa casaque, sa tête dépasse... Rang : Comte Âge : 28 ans Date d'inscription : 13/06/2006
| Sujet: Re: Une oraison de foi... Jeu 20 Juil 2006 - 17:17 | |
| Athos, aidé ses compagnons, avait aidé à transporter les cadavres de ceux qui furent les compagnons de Jean Vaudois. De ceux dont ils avaient pris la vie, de ceux qui les avaient combattus avec courage, pour une cause qu' ils regardaient comme sacrée, mais dont au fond, il ne savaient rien... Rien des raisons qui les avaient vraiment poussés à se sacrifier ce soir là.
Athos, respectueux et plein de tristesse, resta debout et découvert, la main posée sur l'autre épaule de Vaudois. C'était lui qui avait tué l'homme dont le gentilhopmme protestant avait étreint le corps avec tant de poignante douleur.
Alors que la voix vibrante d'Aramis s'élevait dans la nuit, chantant pour l'âme des défunts ces vers protestants, ces vers simples et humains, Athos ferma les yeux et formula dans le silence de son coeur un souhait. Un voeu. Plus beau et plus divin encore que n'importe quelle prière de n'importe quel religion.
Il souhaita qu'un jour, les êtres humains puissent être aussi unis et se comprennent aussi bien qu'eux tous, réunis sur ce champ de bataille, quelque soit leur foi ou leurs motivations, mais pour autre chose qu'un enterrement. Pour la vie entière.
Ce soir là, sans doute, au précipice de la lumière des étoiles, sur la mer de silence ou roulait l'écume produite par le chant d'Aramis, la mort et la vie n'existaient plus.
Elles avaient fusionné dans l'âme de ces héros, n'en faisant plus que des hommes. | |
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| Sujet: Re: Une oraison de foi... | |
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