(HRP: euhhh, Aramis, nous nous désespérons en ton absence!!!
)
La chevauchée se fit silencieuse. Chacun avait alors fort à faire avec ses propres sentiments, qui s'agitaient en boullonnat dans leur âme, par cette nuit sombre, où la lumière avait vaincu les ténèbres.
Vaudois galopait à présent parmi ces compagnons qu'il venait de combattre. Il avait accroché la bride de son cheval au pommeau de sa selle, et les bras inertes le long du corps, et sa noble tête penchée en arrière, levée vers la lune, il laissait la fraîcheur de la nuit fouetter son visage, insensible à tout ce qui l'entourait. Son cheval galopait, suivant les quatre Inséparables et les pensées de Vaudois s'envolaient vers cette lune pâle qui lui souriait doucement.
Ses compagnons, ses frères d'armes et de Foi... Il les avait trahis. Il les avait envoyés volontairement à une mort certaine. Vaudois avait beau avoir offert sa vie pour racheter leur mort, tout cela n'était plus qu'un marché de duppe,dans lequel ses compagnons avaient payé le prix fort. Et lui... lui... On lui avait rendu la vie. Lui seul n'avait rien eu à payer dans ce marché injuste. Il n'avait fait que les sacrifier à son honneur...
Cette pensée lui vrilla l'âme jusqu'à l'étourdissement, jusqu'à lui couper le souffle. Ces hommes étaient morts par sa seule faute, parce que lui seul avait voulu défendre son honneur.
Son honneur...
Un sourire grimaçant d'amertume vint fleurir sur ses lèvres serrées, tandis que le cynisme mordait son âme blessée avec une rage féroce.
Son honneur, en fin de compte, ne valait rien. Il ne valait pas même les trente misèrables deniers de l'Iscariote. Il était pire encore que Judas.
Un verset vient se déverser de son coeur à ses lèvres, et Vaudois murmura en grec d'amères paroles;
- « Celui qui plonge la main dans le plat avec moi, celui-là me livrera. Le Fils de l’Homme s’en va, comme il est écrit de lui;mais malheur à cet homme-là, par qui le Fils de l’Homme est livré ! Il eût été mieux pour lui de ne pas naître !»
Vaudois avait beau se répêter que son honneur était la seule chose qui lui restât, il savait profondément que rien ne justifiait son acte... Que plus que jamais, le Ciel ne lui pardonnerait pas son geste. Pourtant, les arbres se mirent à bruire doucement, et il sembla au gentilhomme protestant qu'Elie penchait vers lui son sourire apaisant. Comme un pardon. Son honneur n'était pas la seule chose, à vrai dire. Non, autre chose encore le rattachait à la vie. Et cette chose-là, il n'avait pas le droit de la négliger ainsi qu'il l'avait fait en voulant mourir. Cette chose-là, si fragile avec ses cheveux blonds et son regard calme et limpide, cette chose-là avait besoin de lui.
Vaudois étouffa un soupir, qui ressemblait à un gémissement, et ses yeux se mirent à briller d'un feu nouveau, inconnu jusqu'alors.
Au loin dans la nuit bienveillante, les arbres semblaient murmurer tout bas : "Et lui, il avancera, devant ses faces,avec le souffle et le pouvoir d’Élie pour faire revenir le coeur des pères aux enfants"