Le prince de Joinville fit son entrée et tous les conjurés se réjouirent.
« Ha ! ». Entendit-on dans l’assistance.
Ils était heureux, heureux de tenir là un nouveau champion. Depuis que le roi et le cardinal avaient fait emprisonner les Vendôme dans le sinistre donjon de Vincennes, les conjurés cherchaient désespérément un chef. Quant aux seconds couteaux, ils n’en ne manquaient pas…
- Les rois de France ne valent rien à ma famille, dit le prince de Joinville. Mes beaux frères croupissent en prison et Henri III fit tuer mon père ! Si je suis venu à Blois, c’est pour vous dire que je ne vous blâme pas. Mais je ne sais pas encore si je vous rejoindrai.
- Moi si ! –fit une voix qui provenait de l’entrée principale de la pièce.
Tout le monde se prosterna comme si le roi venait d’entrer. En fait, il s’agissait de Monsieur, frère du roi, depuis peu nommé Gaston, duc d’Orléans.
Tout le monde ? Non a vrai dire…Car le prince de Joinville qui était aussi de duc de Guise, ne broncha pas. Monsieur s’approcha, exposant avec grâce ses dentelles et ses hauts de chausses de velours grenat brodés de perles.
- Qu’avez-vous, prince ?
- J’ai, Monsieur, que vos amis vont tous nous faire embastiller. Et je prévois déjà que quelques têtes vont tomber. Avez-vous déjà oublié Chalais ?
Mademoiselle de Soissons se retourna et dévisagea le duc de Guise avec une effronterie que seule une femme pouvait oser :
- Vous baissez, Monsieur le duc ! Auriez vous peur maintenant ?
- Madame, je n’ai peur que de m’ennuyer en mauvaise compagnie en regardant celui d’entre nous qui se fera inutilement couper en deux par un apprenti bourreau, répondit le prince de Joinville avec un sourire de dédain.
Le comte de Soissons s’amusait toujours de voir sa sœur taquiner les Anciens, mais il s’amusait davantage encore de l’effet que produisait ces récents souvenirs sur la physionomie du sémillant Gaston. Monsieur ripa le plus loin possible de la dame comme pour ne pas se faire éclabousser de venin, ou peut être de souvenirs non encore enterrés.
Ce soir, le comte de Soissons avait décidé de mener lui même cette cabale de mécontents et pour ce faire, il réunit tout le monde au milieu de la grande salle de bal.
- Messieurs ! Nobles dames ! Voudriez-vous prêtez l’oreille à ce qui suit ?
Tous se turent et écoutèrent…
- J'ai là une missive qui vient de m’être remise par une moine, mais ce n’est pas un capucin !
(rires)
- Il s’agit peut être du signal que nous attendons ?
- Ouvrez donc ce pli, comte !
Le comte déplia la lettre et lut :
« Rejoignez-moi au château de Chaumont. Immédiatement. Tout est prêt. »
Signé : M
- Voilà donc l’ordre que ce moine a reçu. Tirons-en les conséquences, dit-il à l’assistance.
On i a misèra, que i a guèrra !