UNe petite maison solitaire...

Enfin, le carrosse fit halte devant une petite maison solitaire, enfoncée sous les épaisses frondaisons.

Vaudois descendit le premier de la voiture et présenta une main à la duchesse pour l'aider à descendre du carrosse, mais Madame de Chevreuse dédaigna cette main secourable avec un mépris évident qui fit naître un large sourire sur le visage sombre de Vaudois. Malgré les circonstances, la jeune femme gardait une attitude digne qui forçait le respectdu gentilhomme. Si Vaudois se sentait sali par le rôle qu'on lui faisait jouer pour les siens, en revanche la duchesse lui en paraissait grandie. En d'autres circonstances, Vaudois n'aurait éprouvé que dégoût pour cette femme aux frasques célèbres. MAis là, il devait bien l'avouer, son insolence manifeste, même si elle cachait mal sa frayeur, n'inspirait qu'admiration, même à un homme au courage aussi consommé que l'était Vaudois.

- Veuillez excuser, Madame, l'insalubrité du lieu où vous vous trouvez, mais à vrai dire, nous n'avions prévu l'honneur de vous recevoir que pour demain soir. Vous nous avez forcé la main, déclara Vaudois en s'inclinant devant la duchesse pour lui céder le passage à l'intérieur de la maisonnette.

En faisant le premier pas dans l'unique pièce qui lui servait de prison, Marie de Chevreuse poussa un cri de stupeur: en lieu et place de l'endroit sordide dans lequel elle pensait pénétrer, elle découvrit avec stupeur au milieu de la pièce une table garnie des fruits les plus beaux. La vaisselle était fine. Du vin était servi dans les verres à pied. Dans un angle de la pièce, un lit était protégé par un petit paravent qui le dérobait à la vue de ceux qui se trouvaient dans la pièce, mais en avançant, la duchesse vit qu'il était tendu de draps de fine baptiste.
- J'ai pensé que vous ne seriez sans doute pas fâchée de vous restaurer un petit peu et de vous reposer après tant d'émotions. Pardonnez la simplicité de cet accueil. J'ai veillé personnellement à ce que rien de ce qui pourrait vous être nécessaire ne vînt à vous manquer.

Lorsque le carrosse s'arrêta, la duchesse qui était demeurée complètement silencieuse et raide durant le trajet, ouvrit les yeux, pâlissant légèrement. Prenant Ketty doucement par le bras, elle jeta un regard de suprême dédain à la main tendue de son capteur. Elle entra, la tête haute, dans la petite maison, ayant soin au préalable de tenter de reconnaître les lieux, mais l'obscurité était par trop profonde.

- Veuillez excuser, Madame, l'insalubrité du lieu où vous vous trouvez, mais à vrai dire, nous n'avions prévu l'honneur de vous recevoir que pour demain soir. Vous nous avez forcé la main...

La jeune femme s'attendait au pire... Elle crut chanceler lorsqu'elle vit la pièce... Même Ketty était quelque peu émerveillée, malgré sa terreur, terreur que tentait de cacher Marie. Elle avança jusqu'au milieu de la pièce, puis se retournant, fit face à Vaudois, ne pouvant s'empêcher d'avoir un air interrogateur au visage.

- J'ai pensé que vous ne seriez sans doute pas fâchée de vous restaurer un petit peu et de vous reposer après tant d'émotions. Pardonnez la simplicité de cette accueil. J'ai veillé personnellement à ce que rien de ce qui pourrait vous êter nécessaire ne vînt à vous manquer.

Elle se mordit les lèvres, pâle, puis, inclina brièvement la tête. L'homme était un gentilhomme.

Mais elle se reprit immédiatement, détournant le regard. Du reste, elle demeura debout contre le mur, presque chancelante, les yeux clos.

La duchesse avait semblé un instant céder à son étonnement, mais bien vite, elle reprit son rôle de femme forte.
Pourtant elle dut s'appuyer au mur pour se soutenir, et, dans un vertige, ferma les yeux. Vaudois surveillait sa prisonnière, dans le souci de lui être agréable, malgré ce rapt grossier. Dès qu'il la vit pâlir, il se précipita au devant d'elle, mais la duchesse, crayant sans doute un acte indigne d'un gentilhomme chez celui qu'elle considérait comme un vulgaire bandit, rappella à elle toutes ses forces et fit un geste pour protéger sa poitrine.

Ce geste foudroya Vaudois. Il blémit, rajusta sa mèche de jais sur son oeil diaphane, et eut un rire cynique, qui ressemblait bien plutôt à un cri de douleur.
- Rassurez-vous Madame, je sais trop ce qu'il en coûte lorsque l'on souille lhonneur d'une femme...

Puis, après s'être assuré d'un regard que le surnommé Josué gardait toujours bien les prisonnières et que les autres hommes étaient bien placés à leur poste, il tourna délibéremment le dos à la duchesse, pour aller se pencher sur le feu qui crépitait dans la cheminée.

Elle respirait un peu plus rapidement. Elle avait craint... Pour la lettre cachée dans son corset... Ah! S'il fallait que pareille missive tombe dans des mains malintentionnées ou intéressées...

La duchesse prit sa suivante par le bras, pour l'inciter à avancer. Ketty était réellement apeurée. Déjà elle s'était évanouie. Marie ne voulait prendre aucun risque. Elle força donc la jeune servante à s'étendre sur le lit, jetant au passage un regard haineux à l'homme posté non loin de la porte... Qu'il ose seulement la toucher...

Ketty voulut protester, inquiète de sa maîtresse, mais la duchesse mit un doigt sur ses lèvres et la demoiselle se tut. Discrètement, elle sortit la missive de son corset et le glissa dans les mains de la suivante, avec un singulier regard. La jeune fille comprit, cacha le papier dans son corset à elle, puis se coucha.

Marie prit une grande respiration, légèrement soulagée. Elle sortit de derrière le paravent, puis alla s'asseoir dans l'un des fauteuils entourant la table. Elle appuya son front contre sa paume et ferma les yeux. Elle avait besoin de penser.

Vaudois avait fait mine d'attiser le feu pour masquer son trouble. Il était furieux contre lui-même de n'avoir su mieux se maîtriser. Ce monde n'était décidément pas fait pour lui. Tout lui rappelait la souillure de son âme. Derrière lui, il sentit qu'il se faisait un mouvement, mais Vaudois se refusait, pour l'instant, à se retourner. Il glissa simplement un coup d'oeil discret par dessus son épaule. Il vit la duchesse pousser sa suivante vers le recoin de la pièce qu'il avait veillé à amenager en chambre en le protégeant du regard par le petit paravent. Quelle que soit l'affection que portait la maîtresse à sa soubrette, ce mouvement l'intrigua et il tendit l'oreille sans se retourner. Le silence qui régnait derrière la mince cloison de tissus indiquait une ruse plus sûrement encore que n'auraient pu le faire des chuchottements à voix basse. Mais après tout, Vaudois préférait presque qu'il en soit ainsi. Au moins, il avait un peu le sentiment de lutter à armes égales, avec une femme connue pour ses multiples intrigues.

Vaudois renvoya Josué qu'il placa devant la porte, à l'extérieur de la maison, puis retourna se pencher sur l'âtre.
- Madame, dit-il, le visage toujours offert à la chaleur des flammes, il me semble préférable que vous vous reposiez, vous et votre suivante.Vous pouvez dormir "tranquilles". Je suis le seul à demeurer dans cette pièce et il ne vous sera fait aucun mal, durant votre sommeil. Je vous en donne ma parole d'honneur... Si du moins, vous l'acceptez, railla-t-il. Sachez toutefois qu'il vous est impossible de fuir. Mes hommes sont postés tout autour de la maison....

Vaudois se releva enfin, et prit une chaise qu'il tira dans l'angle le plus obscure de la pièce.

Marie, le front toujours appuyé sur sa main, rouvrit les yeux et suivit sans mot dire du regard (HJ: *maudire du regard... lollll, okay je me tais *) l'homme tandis qu'il se retirait dans le coin sombre.

La jeune femme n'avait certes pas sommeil, pas dans la situation où elle et sa soubrette se trouvaient. Elle eut un léger rictus de mépris au serment de l'homme, mais le coeur n'y était pas.

Il fallait absolument s'évader... Mais comment? La jeune femme pouvait certes très bien se déguiser en homme, maniait même la rapière avec un certain talent, mais elle ne pouvait lutter contre plusieurs...

La duchesse appuya sa tête contre le dossier de son fauteuil, referma les yeux et poussa un profond soupir silencieux.

Les heures s'égrennèrent, silencieuses.
Au bout d'un instant, Vaudois remarqua que la respiration haletante de la duchesse semblait s'être apaisée et qu'elle avait trouvé un rythme régulier. Il leva la tête.

La jeune femme, brisée par la fatigue, avait enfin fini par s'endormir. De temps en temps, un tressaillement, pareil aux frissons que fait naître la fièvre, l'agitait. VAudios se leva précautionneusement, veillant à ne pas faire de bruit, et glissa sur les épaules de la duchesse, toujours assise sur son fauteuil face à la table, son manteau noir. Elle eut un sursaut dans son sommeil.

Vaudois alla ensuite vérifier que la soubrette dormait toujours derrière le paravent. Tout semblait parfaitement en ordre.

il regagna sa chaise, dans l'angle solitaire. Plongé dans ses pensées mélancoliques, le gentilhomme resta éveillé toute la nuit.

Au petit matin, Vaudois ouvrit une fenètre pour donner un ordre à Josué. Puis il alla réveiller la jeune servante.

Celle-ci mit un petit temps avant de reprendre nettement conscience de la situation. Mais lorsqu'elle vit le visage froid de Vaudois, elle poussa un petit cri de peur qui s'éteignit dans sa gorge aussitôt que ses yeux rencontrèrent l'unique oeil visible de Vaudois.
-Allez réveiller votre maîtresse, et apprétez-vous. Nous avons de la route à faire.

Tandis que la jeune femme allait réveiller la duchesse, Josué rentra, porteur d'un seau d'eau que Vaudois plaça sur le foyer afin de le réchauffer. Enfin, il se tourna vers Madame de Chevreuse, un sourire ironique aux lèvres.
- J'espère que la nuit aura été bonne, malgré l'inconfort de votre siège, Madame.
Son sourire s'élargit encore lorsque la belle aristocrate rougit puis pâlit à ces mots.
- Quoi qu'il en soit, de l'eau a été tièdie pour que vous pussiez vous appréter. Nous partons sitôt que vous aurez fini, continua-t-il.
Sans plus faire mine seulement d'accorder son attention à sa digne prisonnière, Vaudois saisit une pomme qu'il croqua à belles dents.

La duchesse sentit une petite main sur son épaule et ouvrit les yeux. Ketty... Marie bougea légèrement la tête, étonnée de se trouver en train de dormir sur un fauteuil. Elle avait fait ce terrible cauchemar... Et puis, elle aperçu Vaudois, et l'horreur de la situation lui revint en masse.

- J'espère que la nuit aura été bonne, malgré l'inconfort de votre siège, Madame.

La jeune femme rougit, puis pâlit... de colère.

- Quoi qu'il en soit, de l'eau a été tièdie pour que vous puiissiez vous apprétez. Nous partons sitôt que vous aurez fini.

- En ce cas, je vous prie, soyez assez bon pour me laisser seule tandis que je procède à cette occupation, Monsieur.

Ni elle ni Ketty n'avait mangé ou bu une goutte de ce qui se trouvait sur la table. Les deux jeunes femmes avaient faim, mais étaient résolues à ne rien avaler tant que cet homme serait en leur présence.

Vaudois se retira, en donnant ostensiblement l'ordre, une fois dehors, à ses soldats de faire bonne garde à l'extérieur de la maison et en leur interdisant de pénètrer dans la pièce ou seulement d'imaginer regarder à l'intérieur de la maisonnée.

Puis, d'un pas calme, il se dirigea vers le puit attenant à la maison et tournant le dos à la petite fenètre qui donnait à l'intérieur de la pièce, il entreprit de remonter un seau d'eau, avant d'ôter sa chemise pour procéder à un brin de toilette.

Vaudois se retira de la maisonnette, ce dont la duchesse lui fut gré, pour cette fois. Elle et Ketty mangèrent quelques fruits et burent un peu de vin pour se restaurer. Tandis qu'elles procédaient toutes les deux à leurs ablutions, la duchesse demeurait pensive.

- As-tu toujours la missive du chevalier, Ketty?

La jeune soubrette répondit d'un signe affirmatif.

- Bien, tu sais à quel point c'est important que cette lettre ne tombe pas entre d'autres mains... Voici ce que nous allons faire...

Elle lui prit les mains et elles se mirent à chuchoter.

Le gentilhomme enfila de nouveau sa chemise, passa une main rapide dans ses cheveux pour rajuster sa mèche et cacher la moitié de son visage. Puis, une fois ces précautions achevées, il revint à pas lents vers la maisonnette.

Il ordonna à l'un des hommes d'atteler les chevaux au carrosse, puis vint frapper à la porte.
-Madame, demanda-t-il sans ouvrir, avez-vous fini vos abblutions? Nous partons!

Pour toute réponse, la duchesse vint elle-même ouvrir la porte et sortit sans un mot, calme et digne, suivie de sa soubrette.