Dans le bureau de Sa Majesté...

Du fin jonc qu'il tenait à la main, Louis XIII battait impatiemment sa bottine, écoutant Son Eminence le Cardinal lui rapporter les bruits qui parcouraient Paris depuis quelques temps. Les Huguenots... Toujours les huguenots!!!!!

- ... Ils ne sont pas organisés, ne posent pas d'action concrète, mais la cour commence à s'inquiéter de leur nombre sans cesse croissant dans les rues.

- Assez, Cardinal! Ne leur ai-je pas permis de pratiquer leur... culte... partout au Royaume de France? N'ai-je point été assez généreux? Faut-il encore qu'ils viennent répandre leur poison jusque dans ma capitale, que pourtant je leur avais interdit?

Il se tut un moment, le visage écarlate de colère.

- Qu'ils y viennent pour voir, ces mécréants... Je vais faire donner les mousquetaires! Et l'on verra si ensuite ils voudront s'y réessayer!

( hj : Tu veux que je pleure, c'est ça ? lol )

(HJ: Hein? comment ça? je vais amorcer avec Aramis)

À l'extérieur du bureau, postés en faction devant la porte, Aramis et Athos écoutaient, silencieux, ébahis, les propos du roy qui haussait la voix de plus en plus à mesure qu'il s'échauffait.

- Assez, Cardinal! Ne leur ai-je pas permis de pratiquer leur... culte... partout au Royaume de France? N'ai-je point été assez généreux?

À ces paroles, Aramis ne put retenir une moue de mépris. "Trop généreux", pensa-t-il en jetant un regard de biais à son ami, qui semblait aussi attentif que lui-même l'était.

- ... Faut-il encore qu'ils viennent répandre leur poison jusque dans ma capitale, que pourtant je leur avais interdit?

Aramis esquissa un geste d'impatience. Ses oreilles commençaient à lui échauffer de belle manière... Il voulu parler mais un léger mouvement de son silencieux compagnon l'incita à se taire et à écouter le reste.

- Qu'ils y viennent pour voir, ces mécréants... Je vais faire donner les mousquetaires! Et l'on verra si ensuite ils voudront s'y réessayer!

Aramis médita un moment sur les paroles du souverain, puis s'approcha d'Athos.

- Tout ceci finira sans doute bien mal, mais je crois, ma foi, que j'en serais presque heureux. Cela sortirait notre compagnon de sa noirceur perpétuelle...

Athos soupira...

-Oui, certes, mais à quel prix... Taper sur des protestants, encore et encore, simplement parce qu'ils réclament la liberté de penser par eux même... Tout ceci est stupide, Aramis, mais stupide...

Le mousquetaire aux cheveux noirs se tourna de nouveau vers la porte, tâchant de déterminer si le roi et le cardinal étaient toujours là.

-Que peuvent ils donc bien méditer ? Grogna t'il pour lui même

Le Cardinal eu un léger sourire en coin en regardant le roi s'emporter ainsi. Il parvenait toujours à trouver les mots justes qui lui permettait d'orienter Sa Majesté dans les voies que lui, Richelieu, souhaitait le voir prendre. Il prit un ton surpris et effrayé, et répondit au roi en s'inclinant légèrement.

- Oh Sire! Vouloir mettre Paris, la fidèle Paris, à feu et à sang pour quelques protestateurs et agitateurs? Ils parlent haut, mais n'agissent point, Votre Majesté. Ils ont encore trop bon souvenir de la cuisante défaite que vous leur avez infligé à La Rochelle.

Ces mots habilement choisis par le cardinal firent briller d'arrogance les yeux du roi. Oui, il avait proprement damé le pion à tous ces huguenots, mais le souvenir d'un autre triomphe lui revenait également à l'esprit. Le triomphe contre ce maudit anglais dont s'était amouraché la reine de France. Un sourire sadique éclaira son visage au souvenir de l'expression de la reine lorsqu'on lui avait annoncé la mort de son cher Buckingham... Peuh! Selon lui, les femmes n'étaient que source de perdition et Anne d'Autriche en particulier, elle qui ne cessait de comploter avec son frère l'espagnol...

Louis était plongé dans ses pensées, et n'entendit pas le Cardinal qui lui parlait à nouveau. Il revint brutalement à la réalité et posa son regard ardent dans les yeux du Cardinal.

- Hein? Qu'avez-vous dit?

- Je disais, Sire, qu'il était trop tôt pour croire en de mauvaises intentions de la part des protestants...

Le roi lui ordonna d'un geste impérieux de se taire, se levant de son siège.

- Assez, duc. J'ai assez entendu parler de ces malfrats pour la journée. Faites les surveiller étroitement par vos gardes, et à la moindre escarmouche, faites donner du mousquet. Je ne tolérerai aucune inconduite à Paris, ni ailleurs!

-Oui, certes, mais à quel prix... Taper sur des protestants, encore et encore, simplement parce qu'ils réclament la liberté de penser par eux même... Tout ceci est stupide, Aramis, mais stupide...

Aramis, légèrement contrarié, ne répondit pas à cette phrase d'Athos. Il reprit sa place, tandis que le comte s'efforçait d'entendre ce qui se disait à l'intérieur. Les paroles de Son Eminence surtout étaient difficiles à entendre, il avait un tel ton mielleux... Aramis en était malade.

Athos murmura quelque chose d'incompréhensible, la mine sombre. Visiblement, il n'osait s'approcher davantage de la porte. Lui, moins scrupuleux, alla s'y placer ( hj: oui, je sais, peu digne d'un gentilhomme), résistant tant bien que mal à l'envie de coller l'oreille au battant.

- ... qu'il était trop tôt pour croire en de mauvaises intentions de la part des protestants...

- Assez, duc. J'ai assez entendu parler de ces malfrats pour la journée. Faites les surveiller étroitement par vos gardes, et à la moindre escarmouche, faites donner du mousquet. Je ne tolérerai aucune inconduite à Paris, ni ailleurs!

Le bruit que fit le roi en se levant de son siège fit comprendre à Aramis que l'audience arrivait à terme. Il reprit son poste de garde, méditant légèrement.

Athos s'appuya contre le mur, en croisant les bras sur sa poitrine, soupirant légèrement. Tout ceci allait encore dégénérer... Il attendit quelques minutes, afin de voir si le roi ou le cardinal ne sortiraient point des appartements. Puis, lorsqu'il fut sûr que lui et son camarade étaient bien tranquilles dans ce couloir, il se tourna vers lui, et lui dit, d'une voix un peu plus haute :

-Que pensez vous de tout ceci, mon ami ?

Aramis regarda son ami droit dans les yeux un moment, haussant légèrement un sourcil.

- Pardieu! J'en pense que si le roi demeure dans de telles dispositions, ça va sentir fort la poudre à Paris d'ici peu de temps!!!

La réaction d'Athos surprenait fort Aramis, si prompt à s'échauffer au moindre bruit de bataille... Il savait pourtant que son ami n'avait pas son pareil pour diriger une attaque ou fomenter un plan de défense, témoin l'épisode du Bastion Saint-Gervais. Aussi, l'attitude triste et dolente de son ami l'irritait beaucoup.

On n'entendait plus un bruit dans la salle d'audience du roi. La séance semblait être terminée. Aramis ôta son feutre et s'occupa de faire bouffer la plume soyeuse qui l'ornait. Cela fait, il le remit sur sa tête, puis reprit sa place en haussant les épaules.

Athos, tandis que son ami répondait à la question qu'il lui avait afite, avait cru remarquer plus que de la chaleur dans son regard. Quelque chose comme... Une question silencieuse, une surprise légèrement teintée d'agacement.

Le comte pencha légèrement la tête sur le côté, et regarda fixement Aramis, occupé à arranger son feutre.

-Que se passe t-il, chevalier ?

Il avait formulé cette question d'une voix douce, mais ferme. Et son regard, plus encore que le ton légèrement impérieux qu'il avait employé, était en ce moment chargé d'une espèce de préoccupation paternelle.

Louis regarda Son Eminence quitter la salle en empruntant une porte dérobée vers ses appartements, comme à son habitude. Le Cardinal n'empruntait pratiquement jamais les couloirs extérieurs. Le roi poussa un profond soupir puis sonna pour son valet.

La Chesnaye apparu devant lui, et s'inclina.

- Faites avertir la reine que je vais aller lui faire une visite tout à l'heure.

Le valet hocha la tête, s'inclina encore et sortit.

Là-dessus, le roi se leva, poussant un profond soupir, puis se dirigea vers ses appartements privés.

- Que se passe t-il, chevalier ?

Aramis regarda de nouveau son compagnon. Le regard noble et surtout calme d'Athos lui fit détourner le sien un bref instant. L'irritation du chevalier fondit comme neige au soleil. Il poussa un léger soupir en faisant de nouveau face à la physionomie paternelle du comte.

- Il y a, mon cher ami, que je suis étonné de cette résignation que depuis tout à l'heure il semble y avoir dans vos yeux. Morbleu! Cher ami, je vous ai connu plus battant, et surtout moins fataliste!

Il appuya les épaules contre le mur, une main posée sur la hanche, secouant lentement la tête.

- Ce qu'il y a, c'est qu'il n'y a pas une journée que je ne maudis pas cette horrible femme que nous avons si bien fait exécuter au bord de la Lys. Elle a eu le temps d'accomplir son oeuvre, allez! Porthos est devenu insouciant, D'Artagnan demeure perpétuellement enfermé chez lui, plus sombre chaque semaine, et vous... Çà, je ne vous reconnais plus!

En entendant cette petite tirade de la part du froid Aramis, Athos écarquilla les yeux pendant un instant, et un des coins de sa bouche se souleva. Peu ne s'en fallu qu'il n'éclate de rire à la mine visiblement consternée de son compagnon.

-Aramis, mon frère ! Allons... Je crois bien que tout ceci est ma faute... Cela doit être ce qu'on appelle la trentaine qui approche...

Athos se redressa, et toute étincelle rieuse disparut de ses yeux, pour faire place à une franchise sérieuse.

-Je ne suis pas résigné, Aramis. Je suis perpétuellement en colère. En colère contre ce monde injuste, qui chaque jour, voit ce qu'il contient de valeur morale et d'humanité disparaître un peu plus complètement. Simplement, cette colère, je la garde pour moi, sachant parfaitement qu'elle ne sert à rien. Pourquoi croyez vous donc que j'admire tant cet espèce de paquet de nerfs ambulant qu'on appelle d'Artagnan ? Tout bêtement parce que lui ne se contente pas de maudire le monde, comme moi... Mais il tente au contraire de le faire bouger.

Athos prit la main d'Aramis.

-Et si vous m'avez vu quelque peu désabusé, c'est que cette nouvelle preuve de la bêtise universelle qui règne partout, et particulièrement chez les hautes têtes, mon Dieu ! Chez ceux qui serait peut être capable de faire quelque chose... Et bien cette preuve de plus m'a découragé un instant. Les protestants projètent de marcher sur Paris afin de faire entendre leur voix ? Eh, pardieu, Aramis, ce sera un bain de sang de plus, mais auquel on va nous forcer de participer, parce que c'est notre devoir, parce que nous avons prêté serment, et parce que nous sommes des hommes d'honneur, c'est à dire des imbéciles. Dieu m'est témoin, pourtant, que je répugne à ce que mon bras et mon épée soient les instruments d'une nouvelle Saint-Berthélémy !

Athos laissa tomber ses bras en un geste fataliste.

-Mais je n'ai ni votre brillant esprit, Aramis, ni la fougue et la volonté du Gascon, et encore moins la confiance de Porthos, merveilleuse à force d'être naïve, pour bondir sous ce nouveau coup, et tâcher de panser la plaie avant qu'elle ne dégénère en hémorragie...

-Aramis, mon frère ! Allons... Je crois bien que tout ceci est ma faute... Cela doit être ce qu'on appelle la trentaine qui approche...

Le chevalier se taisait, éberlué par la réaction du comte. Il se contentait d'écouter, dans l'expectative. Il fut récompensé dans cette attente par le regard sérieux mais plein de cette franche résolution qu'il savait être dans le coeur d'Athos.

-Je ne suis pas résigné, Aramis. Je suis perpétuellement en colère. En colère contre ce monde injuste, qui chaque jour, voit ce qu'il contient de valeur morale et d'humanité disparaître un peu plus complètement. Simplement, cette colère, je la garde pour moi, sachant parfaitement qu'elle ne sert à rien. Pourquoi croyez vous donc que j'admire tant cet espèce de paquet de nerfs ambulant qu'on appelle d'Artagnan ? Tout bêtement parce que lui ne se contente pas de maudire le monde, comme moi... Mais il tente au contraire de le faire bouger.

Aramis émit un léger rire de gorge à ces derniers mots, puis poussa un profond soupir. L'énergique gascon s'étiolait de jour en jour... Loin de cette fougue que ses amis appréçiaient tant chez lui. Lorsque Athos lui prit la main, Aramis sourit, puis serra fermement la main du comte, amical, soutenant.

-Et si vous m'avez vu quelque peu désabusé, c'est que cette nouvelle preuve de la bêtise universelle qui règne partout, et particulièrement chez les hautes têtes, mon Dieu ! Chez ceux qui serait peut être capable de faire quelque chose... Et bien cette preuve de plus m'a découragé un instant. Les protestants projètent de marcher sur Paris afin de faire entendre leur voix ? Eh, pardieu, Aramis, ce sera un bain de sang de plus, mais auquel on va nous forcer de participer, parce que c'est notre devoir, parce que nous avons prêté serment, et parce que nous sommes des hommes d'honneur, c'est à dire des imbéciles. Dieu m'est témoin, pourtant, que je répugne à ce que mon bras et mon épée soient les instruments d'une nouvelle Saint-Berthélémy !

Aramis continua de se taire, laissant Athos finir de vider ce qu'il avait sur le coeur. C'était le premier pas vers la guérison de l'âme. L'abcès était crevé, il fallait purifier la blessure.

-Mais je n'ai ni votre brillant esprit, Aramis, ni la fougue et la volonté du Gascon, et encore moins la confiance de Porthos, merveilleuse à force d'être naïve, pour bondir sous ce nouveau coup, et tâcher de panser la plaie avant qu'elle ne dégénère en hémorragie...

Aramis s'approcha d'Athos, qui avait repris sa place au mur d'en face. Il mit sa main sur l'épaule de son ami, une expression douce mais déterminée dans le regard.

- Je comprends fort bien votre colère, Athos, parce que je ressens la même chose. Tout dégénère en ce bas monde, et nul n'atteint la perfection divine. Et même notre Gascon, si vif d'esprit et si fougueux, semble avoir baissé les bras. Mais il ne faut pas se laisser à l'abattement, cher ami, il faut se relever et regarder droit devant nous, comme des gentilhommes que nous sommes. Vous avez raison, nous avons prêté serment à Sa Majesté, et en qualité de mousquetaires du roi, nous irons au front et nous combattrons pour l'honneur du roy et le salut de la France!

Il se tut un bref instant, puis reprit:

- Je n'aime pas plus que vous le carnage et la violence de la guerre, Athos, mais fort malheureusement, je n'ai pas l'impression que nous verrons la France en paix de notre vivant. Voyez justement la Saint-Barthelemy, le siège de La Rochelle, et puis le siège d'Arras... Qui peut dire combien de gens souffrent de ces combats, et le nombre de veuves et d'orphelins que nous laissons forcément derrière nous au passage...

C'était au tour d'Aramis de laisser retomber ses bras de découragement, mais il secoua énergiquement la tête, prit une profonde respiration. Ah non! S'il fallait que lui aussi cède au découragement, ils étaient tous perdus.

L'heure était venue pour le changement de garde. Aramis prit le bras d'Athos et les deux amis quittèrent le Louvres.

Athos sourit, moitié d'attendrissement, moitié de reconnaissance envers Aramis, et serra affectueusement le bras que celui ci lui tendait. Il ne répondit pas, mais tout deux savaient combien cet échange qu'ils venaient d'avoir était précieux, et pour leur coeur, et pour leur avenir.

Athos suivit Aramis.